Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/179

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que l’affaire se terminât aujourd’hui. Vous avez vu combien M. Authier est pressé... Enfin, venez après-demain. »

Marius respira à l’aise dans la rue. Il se traita d’enfant, il rougit des soupçons vagues qui lui étaient venus. Il s’était presque enfui sous l’empire d’un sentiment indéfinissable, et il haussait les épaules, comme un garçon qui a eu peur de son ombre. Du reste, il était heureux d’avoir deux jours devant lui pour réfléchir, pour s’expliquer ses répugnances et les vaincre.

Dans l’après-midi du même jour, il reçut à son bureau, chez M. Martelly, une visite qui l’enchanta. M. de Girousse, qui traînait son oisiveté dans toutes les villes du département, vint lui serrer la main. Il arrivait à Marseille et devait repartir le soir même.

« Ah ! mon cher ami, dit-il à l’employé, que vous êtes heureux d’être pauvre et de travailler pour vivre ! Vous ne sauriez vous imaginer combien je m’ennuie... Si je le pouvais, je prendrais la place de votre frère : il me semble que je m’amuserais davantage en prison. »

Marius sourit des étranges désirs du vieux comte.

« Le procès de Philippe, continua ce dernier, m’a aidé à vivre pendant un mois. Jamais je n’ai assisté à un si beau spectacle de la sottise et de la misère humaines. J’ai eu une furieuse envie, au tribunal, de me lever et de dire tout ce que je pensais. On m’aurait certainement mis une camisole de force... Lambesc devient inhabitable. »

Depuis que M. de Girousse était là, Marius ne songeait qu’à lui demander des renseignements sur M. Authier. Il se disait que le comte devait connaître cet homme, qui habitait la même petite ville que lui, d’après les paroles du notaire Douglas. Il essaya de prendre un air indifférent.

« Il y a pourtant des gens riches, à Lambesc, dit-il. Vous pourriez les fréquenter et vous ennuyer moins... Ne connaissez-vous pas M. Authier, un propriétaire qui est, je crois, votre voisin ?