Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/184

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dans les pins qui frissonnaient. Lorsque Marius passa devant la maison de campagne où sa mère l’avait bercé, une émotion poignante lui mit de grosses larmes dans les yeux. Au milieu du silence de ce désert morne et brûlé, il croyait entendre la voix aimée de la sainte femme dont le souvenir le soutenait dans la tâche de délivrance qui l’accablait.

Giraud le reçut en enfant prodigue.

« On ne vous voit plus, lui dit-il. Venez donc vous consoler parfois ici de tous vos chagrins... Vous avez dans cette maison des amis dévoués qui vous aideront à passer des heures plus douces. »

Marius fut touché de cet accueil. Il désespérait souvent de l’humanité, depuis qu’il se trouvait face à face avec les misères de la vie. Pendant une heure, il oublia le motif de sa visite. Ce fut Giraud lui-même qui lui facilita l’interrogatoire délicat qu’il s’était promis de lui faire subir.

« Vous le voyez, lui dit le maître de la maison, nous vivons heureux ici. Certes, nous ne sommes pas riches, mais les quelques arpents de terre que nous possédons suffisent à nous donner le nécessaire.

– Je vous croyais gêné, répondit Marius. Les récoltes ont été mauvaises. »

Giraud regarda le jeune homme avec étonnement.

« Gêné, dit-il, mais pas du tout... Pourquoi me dites-vous cela ? »

Marius sentit qu’il rougissait.

« Excusez-moi, balbutia-t-il, je ne voudrais pas vous paraître indiscret... On m’a assuré qu’à la suite des dernières récoltes vous aviez été obligé d’hypothéquer votre propriété. »

En entendant ces paroles, Giraud partit d’un bruyant éclat de rire.

« Ceux qui vous ont assuré cela se sont trompés, reprit-il. Dieu merci, je n’ai pas un seul pouce de terrain engagé. »

Marius voulut insister.