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Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/198

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La voix du notaire avait faibli, et l’émotion faisait monter des larmes à ses yeux. Il se mit à marcher fiévreusement. Et, tout en marchant :

« Vous ne pouvez vous imaginer, dit-il, quelle vie atroce je mène depuis deux ans. Toutes mes opérations ont manqué. Alors je me suis trouvé en face d’exigences terribles. Pour conserver mon crédit, pour dissimuler mes faux, il a fallu que journellement j’en commisse d’autres. Je ne songeais plus à gagner de l’argent, je songeais à me défendre, à me sauver du bagne. Dieu m’est témoin que si j’avais pu rattraper les capitaux compromis, j’aurais remboursé tout le monde, pour vivre ensuite selon la loi commune. Mais les intérêts énormes que j’avais à payer m’ont écrasé, j’ai revendu à perte les immeubles acquis, j’ai eu beau me débattre, la mauvaise chance s’est attachée à moi et m’a poussé jusqu’au fond de l’abîme. Aujourd’hui, mon passif est considérable, je ne puis faire face aux échéances de cette quinzaine, et, pour moi, une suspension de paiement équivaut à une condamnation aux travaux forcés. Si la justice jette un seul coup d’œil dans mes papiers je suis à l’instant mis en prison. »

Marius se sentait presque de la pitié pour ce misérable. Douglas s’assit de nouveau et reprit avec abattement :

« D’ailleurs, tout est fini, je me suis confessé à vous, je sais que vous allez me livrer à la justice... Autant en finir, car ma position n’est plus tolérable... Vous avez raison, je suis un infâme et je dois être puni. »

Marius ne bougea pas. Il songeait, ne sachant quel parti prendre. Une crainte le retenait, il ne voulait pas être mêlé à cette affaire redoutant d’être appelé comme témoin et de perdre un temps précieux : sa mission le réclamait. D’autre part, il n’avait pas charge de dénoncer le notaire. Désormais cet homme avait les bras liés, il allait fatalement au-devant du châtiment, il tomberait de lui-même entre les mains de ses juges.

« Eh bien ! pourquoi hésitez-vous ? demanda Douglas.