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Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/199

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Vous savez tout, j’attendrai ici les agents que vous enverrez. »

Le jeune homme se leva, déchira les procurations sur lesquelles se trouvait son nom.

« Vous êtes un misérable, répondit-il, mon jugement n’a pas changé. Mais je n’ai pas besoin d’aider la justice, qui saura bien vous punir sans moi. Le châtiment viendra de lui-même. »

Et il sortit.

Voici comment finit cet épisode. Le lendemain, Douglas, ne pouvant faire face à ses échéances, prit la fuite. À cette nouvelle, une véritable panique se répandit dans Marseille. Plusieurs fortunes étaient compromises, et il était impossible encore de mesurer toute l’étendue du désastre. Ce fut une sorte de malheur public. À l’effroi des intéressés se mêlait la stupeur des honnêtes gens : on ne pardonnait pas au notaire l’hypocrisie qui avait trompé toute une ville pendant plusieurs années.

Douglas fut repris et jugé à Aix, au milieu d’une irritation terrible. Il accepta son rôle avec un rare sang-froid. Sans lui, jamais la justice n’aurait réussi à voir clair dans une affaire aussi embrouillée. Le tribunal avait à juger plus de neuf cents actes entachés de tous les genres de faux, variés de tant de manières que l’esprit ne saurait concevoir aucune combinaison que le faussaire n’eût employée. Les faits qu’on lui reprochait étaient si nombreux, ils se compliquaient de tant de détails, ils atteignaient un si grand nombre de victimes, qu’il était devenu impossible de porter la lumière dans ce chaos, sans le concours de celui qui, après avoir imaginé et exécuté ses crimes, pouvait seul en débrouiller l’écheveau. Douglas travailla avec un zèle infatigable et une étonnante véracité à débrouiller le désordre de ses affaires et à fixer sa position, ainsi que celles de ses créanciers et de ses débiteurs.

D’ailleurs, il se défendit toujours énergiquement contre l’accusation de vol. Il répéta qu’il était un spéculateur