Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/212

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Une même pensée la courbait toujours. À chaque heure, cette pensée était là, accablante, inexorable. Dans les frissons de la nuit ou dans les tiédeurs du jour, en face de l’infini ou devant le néant de l’obscurité, Blanche pensait à Philippe et à l’enfant qu’elle portait en elle.

Fine était sa grande consolatrice. Si la bouquetière n’avait pas consenti à venir passer son après-midi du dimanche avec elle, la pauvre enfant serait morte de désespoir. Elle se sentait le besoin impérieux de confier ses tristesses à une bonne âme. La solitude l’effrayait ; car, lorsqu’elle se retrouvait seule, ses remords se dressaient comme autant de fantômes et l’épouvantaient.

Dès que Fine arrivait, les deux jeunes filles montaient dans une petite chambre où elles s’enfermaient pour causer et pleurer à l’aise. La fenêtre restait ouverte, au loin, sur le velours bleu de la mer, passaient des voiles blanches, comme des messagères d’espérance.

Et, chaque fois, les mêmes larmes étaient répandues, les mêmes paroles revenaient, déchirantes et attendries.

« Oh ! que la vie est lourde, disait Blanche J’ai songé toute la journée aux heures que j’ai passées avec Philippe dans les rochers de Jaumegarde et des Infernets. J’aurais dû me tuer dans ces abîmes, tomber au fond de quelque précipice.

– Pourquoi toujours pleurer, toujours regretter ? répondait Fine doucement. Vous n’êtes plus une petite fille, vous allez avoir des devoirs sacrés à remplir. Par grâce, songez au présent, ne vivez pas dans un passé à jamais irréparable... Vous finirez par vous rendre malade, par tuer votre enfant. »

Blanche frissonnait.

« Tuer mon enfant ! reprenait-elle avec des sanglots. Ne me dites pas cela. Il faut que cet enfant vive pour racheter ma faute et obtenir mon pardon... Ah ! Philippe le savait bien, il me le disait bien que je lui appartenais pour toujours. J’ai eu beau le renier, j’ai vainement cherché à écraser en moi son souvenir. Mon orgueil