Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/214

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et elle éclata en sanglots. La bouquetière lui prit doucement les mains :

« Je vous en prie, lui dit-elle, soyez mère, ne soyez plus amante. S’il est possible, oubliez tout pour votre enfant... D’ailleurs, tranquillisez-vous, je n’épouserai jamais Philippe, je serai peut-être sa sœur...

– Sa sœur ? répéta Mlle de Cazalis.

– Oui, répondit Fine qui souriait divinement en songeant à Marius. J’aime et je suis aimée. »

Et elle lui conta ses amours, elle apaisa sa fièvre en lui parlant de Marius. Blanche, à écouter le récit de ces tendresses tranquilles, pleura des larmes moins brûlantes. Dès ce jour, elle aima Fine davantage, elle n’eut plus qu’une tristesse sourde en pensant à Philippe, elle se dévoua toute à son enfant. L’amour vrai, l’amour dévoué et généreux de sa compagne entrait dans son cœur.

Parfois, Fine trouvait l’abbé Chastanier dans la petite maison de la côte. Le prêtre apportait à Blanche les consolations de la religion, il la soutenait en lui parlant du Ciel, en l’arrachant de la terre et de ses passions. Il aurait voulu voir entrer Mlle de Cazalis dans un couvent, car il comprenait qu’il n’y avait plus pour elle de bonheur possible dans les plaisirs du monde. Elle devait rester éternellement veuve, et elle ne possédait pas assez de force d’âme pour se créer une vie paisible dans son veuvage.

Mais le pauvre prêtre était bien ignorant des choses du cœur. Blanche aimait mieux pleurer avec Fine en parlant de Philippe, que d’écouter les sermons de l’abbé Chastanier. Cependant, le vieillard trouvait parfois en lui des accents profonds, et la jeune fille le regardait avec étonnement, prise du désir de pénétrer dans le monde calme où il vivait. Elle aurait voulu s’agenouiller, rester pour toujours prosternée, abîmée dans une extase qui l’aurait délivrée de tous ses maux. C’est ainsi que peu à peu elle devenait ce qu’elle devait être, une servante de Dieu, une de ces saintes filles que le monde a