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XII

Où Marius perd la tête


Comme Marius était appuyé contre la devanture de la boutique, les yeux à terre, douloureusement ému par le spectacle auquel il venait d’assister, il sentit une main se poser sur son épaule avec une brusquerie amicale.

Il leva la tête et vit devant lui le maître portefaix Sauvaire.

« Eh ! mon jeune ami, que diable faites-vous là ? s’écria ce dernier avec un gros rire. On dirait qu’on va vous attacher à ce poteau. »

Et il désignait la plate-forme. Sauvaire était galamment habillé : il portait un pantalon et un paletot de drap fin, et son gilet, négligemment boutonné, laissait passer des bouts de chemise blanche. La lourde chaîne et les breloques massives de sa montre s’étalaient avec complaisance. Comme il était à peine dix heures, le maître portefaix se promenait en pantoufles, son feutre souple sur l’oreille et sa belle pipe d’écume de mer entre les dents. On sentait que le trottoir de la Cannebière lui appartenait ; il était là comme chez lui, tenant le plus de place possible, regardant les passants d’un air familier et protecteur. Les deux mains dans ses poches, élargissant son pantalon, les jambes écartées, il examinait Marius avec des regards de supériorité pleins de condescendance.

« Vous paraissez triste et malade, ajouta-t-il. Faites