Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/258

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XVII

Où Sauvaire se promet de rire pour son argent


Mlle Claire Martelly était une grande et belle fille de vingt-trois ans, que les circonstances avaient jetée dans la dévotion. Elle avait dû épouser un de ses cousins, qui s’était misérablement noyé à Endoume, dans une partie de plaisir. Le désespoir l’avait rapprochée de Dieu, et, peu à peu, elle avait goûté des douceurs telles, à fréquenter des églises, qu’elle s’était comme endormie dans les parfums pénétrants de l’encens, bercée par les voix murmurantes des prêtres.

Ce n’était pas précisément une âme dévote, c’était une âme douce et contemplative que la religion avait consolée, et qui se montrait reconnaissante envers elle. Peut-être un réveil devait-il venir un jour, qui la rendrait aux joies du monde. En attendant, elle vivait un peu en recluse, sereine, ayant des goûts tranquilles. Son frère, libre penseur et républicain, esprit tendre et large, la laissait pratiquer à sa guise. Il n’usait de son titre de chef de famille que pour veiller à ses intérêts et lui assurer une position indépendante.

Marius trouva Mlle Claire dans un petit salon où elle travaillait d’habitude à des layettes d’enfants, qu’elle donnait à des femmes pauvres. La jeune fille connaissait Marius et le traitait affectueusement, comme un ami de la famille. Souvent, M. Martelly avait emmené son employé à une propriété qu’il possédait