Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/273

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de quelle façon il pourrait solliciter un emprunt. À ce moment, il entendit M. Martelly qui lui disait avec force :

« Voyons, à ma place, que feriez-vous ? »

Le jeune homme se mit à sourire :

« Je ferais ce que j’ai fait » dit-il paisiblement.

Et il raconta l’enlèvement de Clairon. Dès les premiers mots, dès que le jeune homme eut parlé de l’entretien qu’il avait eu avec Claire, au sujet du livre de messe, M. Martelly lui serra la main avec effusion. La certitude que sa sœur avait passé au milieu du péril, sans même s’en douter, le remplit d’une grande joie. Il s’égaya lorsqu’il connut l’aventure entière, et l’abbé Chastanier lui-même ne put retenir un sourire triste.

« Je ne vous aurais pas avoué, dit en terminant Marius, la part que j’ai prise dans cette mystification, si vous aviez ignoré le danger que votre tranquillité a pu courir... J’ai voulu vous rassurer simplement.

– Ne cherchez pas à échapper à ma reconnaissance, s’écria l’armateur. Je vous regardais déjà comme mon fils adoptif, vous venez de me rendre un tel service, que je ne sais vraiment comment vous en récompenser. »

En disant ces mots, il attira Marius à part et le regarda ensuite en face, d’une façon douce et encourageante.

« Vous n’avez pas de secret à me dire ? » demanda-t-il à demi-voix.

Marius se troubla.

« Vous êtes un grand enfant, continua M. Martelly. Heureusement que j’ai vu Mlle Fine pendant votre maladie ; sans cela, j’ignorerais encore tout à cette heure. Attendez, je vais vous signer un bon de quinze mille francs, que vous toucherez sur-le-champ à la caisse, si vous voulez. »

En entendant l’offre généreuse que lui faisait l’armateur, Marius fut cloué sur place. Il pâlit, une émotion inexprimable emplit ses yeux de grosses larmes. Il étouffait, il craignait d’éclater en sanglots.