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Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/305

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– Alors, rien n’est perdu. Ne signez aucun acte, n’aliénez pas un pouce de vos propriétés... En outre, remettez-moi, dès que vous serez rétablie, les papiers qui constatent l’identité de votre fils... De la sorte, nous serons forts, nous pourrons parler haut, quand l’heure sera venue. »

Blanche paraissait accablée par ces questions d’argent. Si elle avait eu quelque énergie, elle ne se serait point retirée de la lutte, elle aurait vécu pour son enfant, le protégeant elle-même et défendant ses intérêts. La bouquetière devina les réflexions désolées qu’elle faisait, et elle ajouta d’une voix plus basse :

« Si je vous ai chagrinée, si je vous ai fait toutes ces questions c’est qu’il est un homme qui a des droits sur cet enfant, et qui, un jour, veillera lui-même à ses intérêts... Je veux alors lui rendre compte de ma mission et lui donner les moyens d’achever cette mission. »

Blanche éclata en sanglots.

« Je ne vous ai point parlé de Philippe, s’écria-t-elle, parce que je ne dois plus penser à lui. Il a laissé en moi un amour qui m’a dévorée et qui me jette aujourd’hui dans la pénitence... Dites-lui que je l’ai aimé au point de quitter le monde à dix-sept ans, et dites-lui que je le conjure de travailler au bonheur de notre fils. Tout ce qu’il fera sera bien fait. »

À ce moment, Fine entendit un bruit de pas dans l’escalier. Elle se leva, se couvrit rapidement de sa mante et prit l’enfant que la mère lui tendait en pleurant et qu’elle retenait toujours, pour l’embrasser encore. Ces adieux furent pleins d’un désespoir muet et d’une hâte anxieuse.

Blanche se leva pour reconduire Fine et pour refermer la porte derrière elle. Sur le seuil, au vent froid qui soufflait de la campagne, elle demeura un instant demi-nue et déposa un dernier baiser sur le front du petit. Puis, elle n’eut que le temps de tirer le verrou de la porte de sa chambre et de se recoucher. Son oncle entra doucement.