Aller au contenu

Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/312

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et elle embrassa Mlle de Cazalis, qui lui répondit d’une voix attendrie :

« Vous avez raison, j’oubliais que je pouvais travailler à soulager les misères des malheureux et trouver ainsi moi-même quelque soulagement à mes souffrances. »

La convalescence marcha rapidement. Bientôt, Blanche put se lever et se traîner jusqu’à la fenêtre ; là, elle s’abîma dans des contemplations consolatrices, en face de la grande mer qui étendait son infini devant elle. Tous les malades devraient aller se guérir au bord des nappes bleues de la Méditerranée, car la vue de cette immensité calme a je ne sais quelle majesté tranquille qui apaise les douleurs.

Ce fut par une claire matinée, devant la fenêtre ouverte, les regards perdus au fond de l’horizon bleuâtre, que Blanche parla nettement à l’abbé Chastanier de sa ferme volonté d’entrer en religion.

« Mon père, lui dit-elle, mes forces reviennent chaque jour, et, comme la vie de ce monde n’est plus faite pour moi, je veux que, dès ma guérison, mes premiers pas me conduisent à Dieu.

– Ma fille, lui répondit le prêtre, cette décision est grave. Avant de vous laisser former des vœux éternels, je dois vous rappeler les biens que vous quittez...

– C’est inutile, interrompit vivement la jeune femme, ma résolution est irrévocable... Vous connaissez toutes les raisons qui me fiancent au Ciel. Vous-même m’avez montré l’amour divin comme le seul refuge contre l’amour humain qui m’a brisée. Ne me traitez pas en petite fille, je vous en prie : traitez-moi en femme qui a beaucoup souffert et qui a besoin de racheter ses lâchetés... Avouez-le, mon père, il n’y a pas pour moi de biens comparables à la tranquillité de l’âme, et si je parviens à goûter les joies du pardon, je n’aurai point à regretter les quelques avantages mondains auxquels je renonce si volontiers... Ne m’empêchez pas d’aller a Dieu. »