Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/313

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

L’abbé Chastanier plia la tête. Blanche parlait d’une voix si profonde et si émue, qu’il comprit que la grâce venait de toucher cette pauvre enfant, et qu’il ne pouvait lui refuser les douceurs de l’abnégation.

« Je ne voulais point discuter ma résolution, reprit la convalescente d’une voix plus calme. Je désirais vous consulter sur l’ordre religieux que je dois choisir... Je vous l’ai dit, je me sens forte, et, dans huit jours, il faut que j’aie quitté cette plage dont chaque rocher me rappelle ma courte vie de passion et de douleurs.

– J’ai déjà pensé au choix que vous pourriez faire, répondit le prêtre, et j’ai songé à l’ordre des carmélites.

– Les carmélites ne sont-elles pas cloîtrées ?

– Oui, elles mènent une vie contemplative, elles s’agenouillent devant Dieu et le supplient de pardonner au monde. Ce sont des filles de l’extase... Votre place est parmi elles. Vous êtes faible, vous avez besoin d’oublier, de mettre une infranchissable barrière entre vous et votre adolescence. Je vous conseille de vous enfermer au fond du sanctuaire, loin des hommes, et de vivre dans la prière ardente, pleine d’oubli et de volupté céleste. »

Blanche regardait la grande mer. Les paroles du prêtre avaient mis des larmes au bord de ses paupières. Après un silence, elle murmura, comme se parlant à elle-même :

« Non, non, il y aurait de la lâcheté à chercher ainsi le calme, à m’endormir dans l’extase. Ce serait là une sorte d’égoïsme divin dont je ne veux pas... Je désire gagner mon pardon en travaillant de mes mains et de mon cœur à me rendre utile aux misérables. Si je ne puis veiller mon enfant, il faut que je veille sur les enfants des pauvres mères qui n’ont pas de pain. Je sens qu’à ce prix seul je serai heureuse. »

Il y eut un nouveau silence ; puis, prenant la main de l’abbé et le regardant en face, elle ajouta :

« Mon père, pouvez-vous me faire entrer parmi les