Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/315

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cœur, et sachez que vous n’offensez pas le Ciel en cédant à vos tendresses. Le Ciel aime ceux qui aiment. C’est là toute la doctrine chrétienne. »

Blanche, émue, se hâta de se vêtir. Fine devait la mener près de son enfant. Elles sortirent bientôt toutes deux. Depuis le jour des couches, elles avaient évité de parler du pauvre petit. La bouquetière avait simplement rassuré la jeune mère en lui disant qu’il était en sûreté, qu’il se portait bien et qu’il recevait tous les soins désirables.

Lorsque Fine et Marius avaient eu le nouveau-né en leur possession, ils étaient revenus en cabriolet à Marseille. Le lendemain, par un coup d’audace qui devait réussir, ils avaient caché l’enfant à Saint-Barnabé, chez la femme du jardinier Ayasse, pensant que jamais M. de Cazalis ne viendrait le chercher là.

Ce fut donc à Saint-Barnabé que Fine conduisit Blanche. Lorsque cette dernière revit la campagne du méger, les grands mûriers qui étalaient leurs branches devant la porte, lorsqu’elle aperçut le banc de pierre sur lequel elle s’était assise avec Philippe, tout le passé lui revint à la mémoire, et elle éclata en sanglots. Une année à peine venait de s’écouler, il lui semblait que des siècles de souffrance séparaient l’heure de ses premières amours de l’heure présente. Elle se voyait encore pendue au cou de son amant, insouciante, espérant un avenir de félicités. Et, en même temps, elle se voyait désolée, le cœur saignant, brisée au point de renoncer aux notes de ses dix-huit ans. Une amertume suprême la serrait à la gorge, lorsqu’elle songeait que quelques mois avaient suffi pour la mener, des espoirs de bonheur qui chantent dans le cœur de toutes les jeunes filles, aux sombres pensées de remords qui emplissent l’âme des pénitentes.

Blanche s’était arrêtée devant la porte du jardinier Ayasse, tremblante d’émotion, n’osant entrer, craignant de trouver le spectre de Philippe dans cette maison, où elle avait reçu les caresses du jeune homme.