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Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/342

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qui était considérable. Dès ce moment, une existence de paix commença pour Philippe. Il vécut ses journées dans son bureau ; le soir, il retrouvait l’intérieur tranquille du jeune ménage, il prenait Joseph sur ses genoux et jouait avec lui pendant des heures. Fine avait obtenu du propriétaire une chambre qui se trouvait au quatrième étage et qu’elle arrangea pour le jeune homme. La vie fut en commun : il mangeait et couchait chez son frère, il ne sortait jamais et ne semblait à l’aise que dans cette félicité domestique.

Ce fut, pendant plusieurs semaines, une vie toute de douceur et de tendresse. À voir cette famille si unie, si heureuse, jamais on n’aurait soupçonné les émotions violentes qui l’avaient secouée, quelques mois auparavant. Les soirées étaient tièdes, attendries, pleines de paroles amicales.

Cependant, parfois Philippe retrouvait sa voix brève et irritée de jadis. Lorsque la pensée de M. de Cazalis se présentait à lui, la fièvre le reprenait, et il parlait de faire rendre gorge à l’oncle de Blanche.

« Nous sommes lâches, dit-il un soir à Marius, nous ne savons pas nous venger. Je devrais aller souffleter cet homme et lui réclamer la fortune de mon fils. »

Ces brusques colères de son frère effrayaient Marius, dont l’esprit calme et juste jugeait la situation avec plus de sang-froid.

« Tu serais bien avancé, répondit-il, si tu allais donner un soufflet à ton ennemi ! Il te ferait emprisonner de nouveau, voilà tout.

– Mais cet homme est un voleur ! Il garde un argent qui ne lui appartient pas, il le mange peut-être. Ah ! tu es heureux, Marius, de pouvoir penser à ces choses sans t’emporter. Moi, j’ai des envies de lui arracher ces biens qui reviennent de droit à Joseph.

– Je t’en supplie, ne fais plus de coups de tête. Nous vivons en paix, ne gâte pas notre bonheur.

– Alors tu veux que je renonce pour mon enfant à l’héritage de sa mère ?