Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/364

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Il se secoua, ravi, rendant un bruit d’acier, envoyant dans les yeux de la foule les reflets de ses galons et de ses épaulettes.

Comme Marius lui serrait la main sans répondre, il crut l’avoir écrasé par la magnificence de son costume. Il lui prit le bras d’un air de protection et se mit à remonter la Cannebière, en daignant lui donner des preuves d’amitié.

« Hein ! vous me regardez ? reprit-il. Cela vous étonne, de me voir de la garde nationale ?... Que voulez-vous ! on m’a tant prié tant supplié, que j’ai fini par accepter. Vous comprenez, je préférerais mille fois être tranquillement assis chez moi. Mais, en ces temps difficiles, les bons citoyens ont des devoirs à remplir. On avait besoin de moi, je n’ai pu refuser. » Il mentait avec un aplomb écrasant. C’était lui qui avait sollicité les mains jointes, un poste de capitaine. Il voulait avoir des épaulettes en or : à cette condition seule, il consentait à servir la patrie.

Marius cherchait quelques mots de réponse, il ne trouvait rien. Il finit par murmurer :

« Oui, oui, les temps sont difficiles.

– Mais nous sommes là ! cria Sauvaire en mettant le poing sur son épée. On passera sur nos corps avant de troubler la tranquillité du pays. Ne craignez rien, rassurez vos femmes et vos enfants : la garde nationale ne faillira pas au mandat qui lui est confié. »

Il débita cela comme une tirade apprise. Marius, pour le décontenancer, avait envie de lui demander des nouvelles de Clairon.

« Voyez toute cette population, continuait Sauvaire, elle est paisible, elle a foi en notre vigilance et en notre courage.

Il s’arrêta, il reprit de son ancienne voix, de sa voix naïve et satisfaite :

« Comment trouvez-vous mon uniforme ? J’ai l’air martial n’est-ce pas ?... Savez-vous que les épaulettes m’ont coûté diablement de l’argent.