Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/368

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pour voler le petit Joseph, tandis qu’on tuerait ou qu’on emprisonnerait Philippe. Il avait arrêté dans sa tête un plan qui, selon lui, ne pouvait manquer de réussir. Mais il s’agissait de décider le peuple à se battre. Le peuple, du reste, lui paraissait tout disposé, et il se promettait bien, si jamais un coup de fusil était tiré, de gâter les choses à tel point que la lutte deviendrait inévitable.

Pendant ce temps, M. de Cazalis s’impatientait. Depuis trois mois, il attendait vainement l’accomplissement des promesses de Mathéus. Quand ce dernier venait le soir, en cachette, lui rendre compte des événements de la journée, il se plaignait amèrement des longs retards qui le forçaient à vivre caché au fond de son hôtel.

« Eh ! monsieur, lui disait l’espion avec son rire insolent, je ne puis pourtant pas faire des barricades à moi tout seul ! Laissez mûrir l’insurrection... Vous voilà plus républicain que moi. On s’y fait, n’est-ce pas ? »

Un soir, Mathéus entra brusquement chez l’ancien député en criant :

« Ma foi, je crois que nous nous battrons demain. Je viens de parler pendant deux heures, au club. »

Il était rayonnant. Il voyait dans un avenir prochain l’argent que son maître lui avait promis s’il réussissait. Celui-ci le pressa de questions, désirant avoir enfin des certitudes.

« Voici, reprit Mathéus. Les Marseillais n’auraient peut-être jamais bougé, mais ils viennent de recevoir la visite de quelques Parisiens qui ont assisté aux journées de février, et cela leur a mis du cœur au ventre. Vous savez, je veux parler de ces Parisiens destinés à la guerre d’Italie, et qui, volés en route par un de leurs chefs, sont arrivés à Marseille dénués de tout.

– Mais ces Parisiens sont partis, interrompit M. de Cazalis.

– Oui, mais ils ont laissé ici un souffle révolutionnaire. Il y a eu, en leur faveur, un rassemblement devant la préfecture, qui a failli amener des coups de