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Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/369

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fusil. On voulait que la ville vînt à leur secours. Les ouvriers, très mécontents, doivent faire demain une grande manifestation qui tournera mal, je l’espère.

– Que veulent donc les ouvriers ? » demanda l’ancien député.

Mathéus le mit alors au courant de la situation du moment, qui était fort grave. Le grand danger venait des ouvriers des ateliers nationaux, dont la création, à Marseille, avait rencontré beaucoup de difficultés et devait amener d’irréparables malheurs. Les seuls travaux que l’on pût confier au peuple, après le décret du gouvernement provisoire, furent des travaux de terrassement nécessités par le canal, alors en construction, qui conduit aujourd’hui les eaux de la Durance dans la ville. Il y avait là tout un monde de travailleurs, employés indistinctement à une besogne autre que leurs métiers spéciaux, maudissant pour la plupart le pain qu’ils gagnaient, entretenant ainsi un foyer éternel de révolte.

Le mécontentement de ces ouvriers venait de l’inégalité que le gouvernement avait établie entre eux et les ouvriers de Paris. Les ouvriers de Paris, d’après le décret, ne devaient travailler que pendant dix heures, tandis que ceux des départements travaillaient pendant onze heures. Devant les réclamations incessantes des ouvriers marseillais, le commissaire, craignant l’exaspération de cette foule peu disciplinée, crut devoir user de ses pleins pouvoirs et réduisit à une durée de dix heures le travail à Marseille.

Malheureusement, tous les chefs d’ateliers n’acceptèrent pas cette réduction. Quelques-uns continuèrent à exiger de leurs hommes onze heures de travail ; d’autres retinrent le prix de l’heure de travail que leurs ouvriers ne faisaient plus. De là, de continuelles révoltes, un état permanent d’exaspération qui ne pouvait finir que par une crise violente. Jusqu’à ce moment, les démarches des travailleurs n’avaient obtenu aucun résultat sérieux ; les procès verbaux qu’ils avaient dressés étaient restés sans effet ; les manifestations qu’ils avaient faites