Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/370

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s’étaient terminées par des promesses vaines, que personne ne tenait, dès qu’ils avaient le dos tourné. Ils voulaient en finir, ils voulaient obtenir justice.

Le mardi 20 juin la veille du jour où Mathéus donnait ces détails à son maître, les délégués des corporations s’étaient réunis pour discuter sur l’opportunité d’une grande manifestation. Ils avaient presque tous voté contre cette manifestation, prévoyant sans doute la lutte sanglante qu’elle amènerait.

« Les délégués me semblent des gens prudents et habiles, dit Mathéus en terminant ; mais heureusement que les ouvriers sont bien trop irrités pour les écouter. S’il y a parmi eux des têtes froides, il y a aussi des cerveaux ardents qui rêvent d’avoir raison à coups de fusil... Je crois pouvoir vous promettre une bonne petite insurrection. Je sais qu’un grand nombre d’ouvriers ne veulent pas tenir compte du vote des délégués et qu’ils ont décidé que la manifestation aurait lieu quand même. Ce sera bien le diable si quelque circonstance n’amène pas la lutte. Vous verrez comme je vous chaufferai cela. »

M. de Cazalis écoutait l’espion avec joie.

« Tes dispositions sont bien arrêtées ? lui demanda-t-il. Tu es certain que le Cayol se compromettra et que tu pourras t’emparer de l’enfant ?

– Eh ! n’ayez aucune inquiétude, répondit l’autre. Cela me regarde... S’il y a bataille, le sieur Philippe sera au premier rang des insurgés, soyez-en certain ; et, quant à l’enfant, il rentrera en votre possession avant le soir... Ces ouvriers sont bêtes comme tout, ils vont se faire tuer et emprisonner pour des niaiseries. Ah ! la bonne farce que la République !... Bonsoir, je viendrai demain matin vous donner le programme de la journée. »

Mathéus quitta M. de Cazalis et resta jusqu’à la nuit dans les rues, écoutant ce qu’on disait, tâchant de prévoir les événements. Un bruit qui courait l’inquiéta : on prétendait que le commissaire du gouvernement ne paraissait pas hostile à la manifestation. Il avait reçu, affirmait-on, la visite de quelques délégués, accourus