Aller au contenu

Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/371

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pour lui faire savoir qu’ils étaient impuissants à contenir la foule des ouvriers, et il leur avait laissé entrevoir que la démarche du peuple auprès de lui ne lui déplaisait pas et pourrait lui donner une action plus décisive contre les chefs d’ateliers récalcitrants. On ajoutait même qu’il avait déjà fixé l’itinéraire que suivrait la colonne pendant qu’il recevrait les délégués.

Mathéus se coucha, désespéré, furieux contre la République.

« Quel tas de lâches ! murmurait-il, ils n’oseront pas se tirer un seul coup de fusil. Eh ! battez-vous donc, misérables ! Vous me ruinez en ne vous battant pas... Ils se montrent le poing, les pauvres veulent manger les riches, et ils finissent toujours par s’embrasser. C’est dégoûtant. Vous verrez que, demain, la querelle finira par un banquet où le commissaire et les ouvriers prendront ensemble une indigestion de charcuterie... Enfin, il faudra voir. »

Dès son réveil, il alla en toute hâte se promener aux abords de la préfecture. On était au jeudi 22. L’hôtel était entouré de troupes.

« Eh ! allez donc, se dit Mathéus avec une joie âpre, je savais bien qu’on se battrait !.. Je vais aller chercher mes amis les ouvriers pour les jeter sur ces baïonnettes-là. »

Avant de se retirer, il se mêla aux groupes, il y apprit que le commissaire s’était sans doute repenti d’avoir autorisé la manifestation. Dès la veille, quelques compagnies de la garde nationale avaient été prévenues, et on avait mis sur pied la troupe de ligne. L’espion, a qui aucun détail n’échappait, remarqua que, parmi là garde nationale convoquée, ne se trouvait aucune compagnie républicaine. Sauvaire paradait, à l’angle de deux rues.

Mathéus se hâta de courir au boulevard Chave, où devait avoir lieu une nouvelle réunion des délégués. Comme l’avant-veille, les délégués se prononcèrent contre la manifestation. Un certain nombre d’entre eux