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Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/399

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répartissaient le mieux possible entre les six barricades qui étaient en voie de construction. Ils faisaient la chaîne, se passant des planches, des pavés, tout ce qui leur tombait sous la main. Chacun courait de son côté et revenait jeter au tas ce qu’il avait trouvé. C’était un va-et-vient fiévreux, une sorte de vaste atelier de la révolte, où chaque ouvrier se hâtait, ardent et sombre, la menace à la bouche et la vengeance au cœur. Tandis que la plupart apportaient des matériaux, d’autres, sans doute des charrons et des menuisiers, s’étaient chargés de consolider les barricades. N’ayant ni clous ni marteaux, ils se contentaient d’emboîter les objets les uns dans les autres.

Les deux barricades principales furent élevées à l’entrée de la Grand-Rue du côté du Cours, et à l’entrée de la rue Requis-Novis. Ces barricades, malgré les efforts des insurgés, n’étaient à la vérité que des amas d’objets peu résistants, ne pouvant offrir aucun obstacle sérieux. Quatre barricades, plus maigres encore, furent construites au travers des rues de la Vieille-Cuiraterie, de la Lune-Blanche, de la Vieille-Monnaie et de la Lune-d’Or. Une seule rue resta libre, la rue des Marquises, qui ménageait aux insurgés un passage nécessaire pour communiquer avec la rue Belzunce, la place des Prêcheurs et toutes les ruelles étroites et tortueuses des vieux quartiers, dans lesquels ils espéraient s’enfuir et se perdre, en cas de défaite. Ainsi barricadée, la place aux Œufs eût été une sorte de forteresse inexpugnable, si les barricades avaient eu plus de solidité.

Philippe, dès qu’il s’était trouvé au milieu des républicains, avait mis la main à l’œuvre sans hésiter. Il avait travaillé comme les autres à apporter aux barricades tout ce qu’il découvrait. Il oubliait les paroles sages de Marius et ne songeait plus à son enfant. Toute sa fougue s’était réveillée en lui et l’emportait.

Comme il traînait un tonneau, il entendit une voix ironique qui lui demandait :