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Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/40

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montait lentement dans le ciel, montra son visage pâle, baigné de larmes. Philippe se pencha avec angoisse.

« Tu pleures, s’écria-t-il, tu souffres, ma pauvre enfant bien-aimée !… Ah ! j’ai été lâche, n’est-ce pas, de te garder ainsi avec moi ?

– Ne dites pas cela, Philippe, répondit Blanche. Je pleure, parce que je suis une malheureuse fille… Voyez, je puis à peine marcher. Nous aurions mieux fait de nous agenouiller devant mon oncle et de le prier à mains jointes. »

Elle fit un effort, elle se releva, et ils continuèrent leur marche au milieu de cette campagne ardente. Ce n’était point l’escapade folle et gaie d’un couple amoureux ; c’était une fuite sombre, pleine d’anxiété, la fuite de deux coupables silencieux et frissonnants.

Ils traversèrent le territoire de Gardanne, ils se heurtèrent pendant près de cinq heures aux obstacles du chemin. Enfin, ils se décidèrent à descendre sur la grande route d’Aix, et là, ils avancèrent plus librement. La poussière les aveuglait.

Quand ils furent en haut de la montée de l’Arc, ils congédièrent Victor. Blanche avait fait six lieues à pied, dans les rochers, en moins de six heures, elle s’assit sur un banc de pierre, à la porte de la ville, et déclara qu’elle ne pouvait aller plus loin. Philippe, qui craignait d’être arrêté, s’il restait à Aix, se mit en quête d’une voiture, il trouva une femme, montée dans un charreton, qui consentit à le prendre avec Blanche, et à les conduire à Lambesc où elle se rendait.

Blanche, malgré les cahots, s’endormit profondément et ne se réveilla qu’à la porte de Lambesc. Ce sommeil avait calmé son sang, elle se sentait plus paisible et plus forte. Les deux amants descendirent. L’aube venait, une aube fraîche et radieuse qui les pénétra d’espérance. Tous les cauchemars de la nuit s’en étaient allés ; les fugitifs avaient oublié les rochers de Septème, et marchaient côte à côte, dans