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Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/41

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l’herbe humide, ivres de leur jeunesse et de leur amour.

N’ayant pas trouvé M. de Girousse, auquel Philippe avait résolu de demander l’hospitalité, ils allèrent à l’auberge. Ils goûtèrent enfin une journée de paix, dans une chambre retirée, tout à leur passion. Le soir, l’aubergiste, croyant héberger un frère et sa sœur, voulut faire deux lits. Blanche sourit. Elle avait maintenant le courage de ses tendresses.

« Faites un seul lit, dit-elle. Monsieur est mon mari. »

Le lendemain, Philippe alla trouver M. de Girousse, qui était de retour. Il lui conta toute l’histoire et lui demanda conseil.

« Diable ! s’écria le vieux noble, votre cas est grave. Vous savez que vous êtes un manant, mon ami ; il y a cent ans, M. de Cazalis vous aurait pendu pour avoir osé toucher à sa nièce ; aujourd’hui, il ne pourra que vous faire jeter en prison. Croyez qu’il n’y manquera pas.

— Mais que dois-je faire, maintenant ?

— Ce que vous devez faire ? Rendre la jeune fille à son oncle et gagner la frontière au plus vite.

— Vous savez bien que je ne ferai jamais cela.

— Alors, attendez tranquillement qu’on vous arrête… Je n’ai pas d’autres conseils à vous donner. Voilà ! »

M. de Girousse avait une brusquerie amicale qui cachait le meilleur cœur du monde. Comme Philippe, confus de la sécheresse de son accueil, allait s’éloigner, il le rappela, et lui prenant la main :

« Mon devoir, continua-t-il, avec une légère amertume, serait de vous faire arrêter. J’appartiens à cette noblesse que vous venez d’outrager… Écoutez, je dois avoir de l’autre côté de Lambesc une petite maison inhabitée dont je vais vous remettre la clef. Allez vous cacher là, mais ne me dites pas que vous y allez. Sans cela je vous envoie les gendarmes. »