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Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/433

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et avait arraché Joseph des bras de la jeune femme.

Marius rendit le fusil à Philippe, en lui disant d’une voix étouffée :

« Je sentais que nous aurions besoin de cette dernière cartouche. »

Philippe épaula, mais le canon tremblait dans ses mains. Il avait peur de frapper son fils. Mathéus eut le temps de sortir de la chambre et de commencer à descendre.

Quand le misérable passa devant la fenêtre du palier du second étage ; Philippe se sentit défaillir de nouveau. Il ne put lâcher le coup.

« Si tu le laisses gagner la rue, murmura Marius, l’enfant est perdu pour nous. »

Alors, Philippe, par un effort suprême, devint calme et froid. Il appuya le canon sur le bord de la fenêtre et attendit Mathéus au passage.

L’espion, qui descendait toujours, posa le pied sur le palier du premier étage. Le coup de feu partit. Au bruit de la détonation, Sauvaire et Cadet, qui s’empressaient autour de Fine, levèrent la tête et aperçurent de l’autre côté de la rue les deux frères penchés anxieusement, regardant l’effet du coup de feu. L’ancien maître portefaix laissa échapper une exclamation de surprise et de joie : il savait maintenant où étaient ceux qu’il voulait protéger. Cadet eut un brusque pressentiment de ce qui venait d’avoir lieu. Il n’avait pas vu l’enfant dans la chambre, il songeait à cet homme qui avait passé si rapidement à côté de lui, dans l’escalier.

En toute hâte, il descendit. Au premier étage, un spectacle étrange l’attendait.

Mathéus, la tête fracassée, gisait sur les marches. En tombant, il avait ouvert les bras, et Joseph avait glissé sur lui, sans se faire aucun mal. La balle de Philippe était venue se loger dans le crâne de l’espion, en passant à quelques lignes du front de l’enfant. Ce dernier, tiré de l’évanouissement qui avait permis à