Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/445

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– Oui à cette même place. »

Ils avaient parlé d’une voix dure, sans la moindre insulte. La provocation fut naturelle, comme s’il se fût agi d’une chose convenue depuis longtemps.

Philippe se rendit sur-le-champ à Marseille. Il résolut de laisser ignorer à son frère le duel qui allait avoir lieu. Sentant que ce duel était fatal et nécessaire, il ne voulait pas que quelqu’un pût y mettre obstacle.

Comme il descendait le Cours, il rencontra Sauvaire qui faisait de grandes enjambées.

« Ne m’arrêtez pas, lui dit l’ancien maître portefaix. Je retourne aux Aygalades en toute hâte... Les hommes tombent comme des mouches ici. Hier, il y a eu quatre-vingts morts. »

Philippe, sans l’écouter, lui annonça qu’il avait un duel et qu’il comptait sur lui. Quand il lui eut nommé son adversaire :

« Je suis votre homme, s’écria Sauvaire. Je ne serais pas fâché de voir sauter la cervelle de ce scélérat. »

Ils se rendirent ensemble chez M. Martelly, dont la conduite courageuse provoquait alors à Marseille une admiration universelle. L’armateur écouta gravement Philippe, et, comme lui, il pensa que le duel était nécessaire et fatal.

« Je suis à votre disposition », lui dit-il avec simplicité.

Les trois hommes prirent un fiacre, et un peu avant midi, ils entrèrent dans le bois de pins, où il leur fallut attendre M. de Cazalis.

Ce dernier arriva enfin. Après avoir couru vainement Marseille pour trouver deux de ses amis, il s’était décidé à s’adresser à une caserne, où deux sergents de bonne volonté avaient bien voulu consentir à lui servir de témoins.

Dès que le fiacre qui les amenait se fut rangé prés de celui de Philippe, les pas furent comptés, les armes chargées, rapidement et en silence, sans que les témoins