Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/446

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

essayassent d’intervenir. Jamais les préparatifs d’un duel n’avaient été plus prompts ni plus simples.

Quand ils furent placés en face l’un de l’autre, Philippe, que le sort avait favorisé, leva son arme, prêt à faire feu.

Un pressentiment le secouait d’un frisson. Avant l’arrivée de M. de Cazalis il s’était oublié à regarder mélancoliquement les pins qui l’entouraient et sous lesquels il avait aimé autrefois. Le hasard a des cruautés. Le décor était le même, le vaste ciel s’étendait avec la même limpidité, la campagne étalait des horizons aussi doux et aussi paisibles.

Quand il leva son pistolet, Philippe crut se rappeler qu’il était justement à la place où jadis Blanche lui avait donné son premier baiser. Ce souvenir le troubla singulièrement. Il lui semblait que son cœur murmurait : « Où j’ai péché, je serai puni. »

Ce fut d’une main tremblante qu’il pressa la détente. La balle mal dirigée, alla casser la branche d’un pin.

À son tour, M. de Cazalis leva son arme. Il visa, la face contractée, les yeux ardents. Sauvaire et Martelly, très pâles, attendaient. Philippe, le corps légèrement effacé, regardait courageusement le pistolet qui le menaçait. À vrai dire, il ne le voyait pas, il pensait malgré lui à Blanche, et il entendait tout son être qui criait plus haut : « Où j’ai péché, je serai puni. »

Le coup partit. Philippe tomba. M. Martelly et Sauvaire se précipitèrent vers le blessé. Il était affaissé dans l’herbe, la main sur le flanc droit.

« Vous êtes atteint ? demanda l’ancien maître portefaix d’une voix tremblante.

– Je suis mort, murmura Philippe. Cette place devait m’être fatale. »

Et il s’évanouit. Les deux témoins se concertèrent un instant. Dans leur hâte, ils n’avaient pas songé à amener un médecin avec eux. Il fallait absolument transporter le blessé à Marseille, le plus vite possible.