Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/448

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il suivait des yeux les religieuses qui s’empressaient, douces et consolantes, auprès des agonisants. Il en vit une, à quelques pas de lui, qui adoucissait, par ses paroles tendres, les derniers moments d’un vieillard. La figure de ce vieillard, contractée par l’agonie, ne lui parut pas étrangère. Il s’approcha et reconnut avec douleur l’abbé Chastanier. Le prêtre mourait, victime de sa charité ardente. Depuis le commencement de l’épidémie, il n’avait pas pris une heure de repos ; jour et nuit, il montait dans les mansardes, il visitait les familles pauvres, frappées par le fléau, il avait vendu tout ce qu’il possédait, pour donner des secours aux misérables, et, lorsqu’il ne lui était resté que les vêtements qu’il portait sur lui, il s’était mis à mendier chez les riches. Le matin, comme il descendait d’une maison de la vieille ville, une attaque foudroyante de choléra l’avait frappé dans la rue. On s’était empressé de le conduire à l’hospice. Depuis deux heures, il y endurait des souffrances épouvantables avec sérénité.

Lorsque M. Martelly s’approcha de lui, ses yeux se voilaient, il ne voyait plus la terre. Il reconnut cependant l’armateur. Il eut un sourire, mais il ne put prononcer une parole. Alors il leva une main et montra le ciel.

Quand il fut mort, M. Martelly le regarda en silence. Puis, il revint s’asseoir près de Philippe, qui gardait une immobilité de cadavre. À ce moment, la jeune sœur, après s’être agenouillée un instant devant le corps de l’abbé Chastanier, s’approcha pour voir si elle ne pouvait être d’aucun secours au blessé.

Elle eut à peine jeté un regard sur le visage de Philippe, qu’une émotion bouleversa ses traits. Les yeux fixés sur le jeune homme, la poitrine oppressée, elle resta là, abîmée dans une contemplation douloureuse.

Justement, Marius entrait dans la salle, suivi de Sauvaire. En voyant son frère étendu raide et blême, un sanglot lui déchira la gorge. La nouvelle du duel et de la blessure de Philippe avait été si brusque, qu’il en