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Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/449

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était hébété. Il était accouru, ne pouvant pleurer, effrayant Sauvaire par son calme.

Dès qu’il fut en face du blessé, il pleura, il demanda avec violence un médecin, il exigea la guérison. Le médecin qui était dans la salle, devant cet emportement de douleur, consentit à sonder de nouveau la blessure. Marius sentit une brûlure à ses entrailles, lorsque le blessé poussa un cri sourd, au contact de la sonde.

Ce cri du moribond fit tressaillir la jeune sœur. Elle s’avança, et Marius l’aperçut.

« Vous ici ! murmura-t-il avec colère. Ah ! je devais me douter que vous voudriez assister aux derniers moments de celui que votre amour a voué au malheur... Vous êtes la digne nièce de votre oncle, qui vient de me tuer mon frère. »

La jeune sœur avait joint les mains. Elle regardait Marius d’une façon humble et suppliante, sans pouvoir répondre, tant l’angoisse la serrait à la gorge.

« Pardonnez-moi, reprit le jeune homme aussitôt, je ne sais ce que je dis... Ne restez pas là. Philippe pourrait vous voir, en ouvrant les yeux.. N’est-ce pas ? Il faut lui éviter les émotions vives. »

Il parlait comme un enfant, il délirait. Lorsqu’il avait reconnu Blanche sous le costume des sœurs de saint Vincent de Paul, il avait cru réellement voir se dresser un fantôme devant lui. Elle lui rappelait tout un passé de souffrance.

Blanche avait sollicité comme une grâce, dès les commencements de l’épidémie, d’être employée à l’hôpital de Marseille. Peut-être espérait-elle y mourir. Elle était admirable de dévouement. Elle vivait dans la mort, avec un courage et une abnégation de martyre. Personne n’aurait soupçonné son enfance faible et délicate, sa naissance illustre, en la voyant penchée sur ces visages effroyables de moribonds, dont ses sourires apaisaient les dernières souffrances. À plusieurs reprises, on avait voulu l’éloigner, en lui disant qu’elle avait payé sa dette. Mais elle avait obtenu de rester à force