Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/450

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de prières. Elle défiait la mort depuis un mois, et la mort la respectait.

L’agonie de l’abbé Chastanier et la vue de Philippe, inanimé devant elle, venaient de la frapper d’une émotion qui brisait son courage. Elle chancelait, toute son humanité se réveillait.

Elle se retira un peu en arrière, obéissant au geste de Marius. Cependant, le médecin achevait son pansement. Philippe ouvrit les yeux et regarda autour de lui avec un étonnement effaré. Il aperçut son frère, il se souvint.

Marius se pencha. Il avait renfoncé ses larmes, dans un effort suprême.

« Je ne vois pas Joseph, lui dit Philippe d’une voix légère comme un souffle. Où est-il ?

– Il va venir, répondit Marius.

– Tout de suite, n’est-ce pas ? Je veux le voir... tout de suite... tout de suite... »

Il referma les yeux. Marius mentait. Il était accouru, sans prévenir Fine et Joseph, voulant retarder leur désespoir de quelques heures. Devant le désir de son frère il eût donné tout au monde pour avoir amené l’enfant avec lui.

« Voulez-vous que j’aille chercher le petit ? » lui demanda Sauvaire qui se sentait fort mal à l’aise au milieu de ces cholériques, et qui n’osait cependant se sauver.

Marius accepta avec empressement, et l’ancien maître portefaix partit en courant.

Philippe avait sans doute entendu. Il rouvrit les yeux et remercia son frère du regard. Comme il tournait la tête, sa face prit un air d’extase heureuse : il venait d’apercevoir Blanche, qui s’était rapprochée en entendant le son de sa voix.

« Suis-je déjà mort ? murmura-t-il. Ô chère et tendre vision ! »

Et il s’évanouit de nouveau.