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Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/47

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Philippe espérait trouver un trou, une caverne. Il eut la bonne fortune de rencontrer un poste, une de ces logettes dans lesquelles les chasseurs se cachent pour attendre les oiseaux de passage. Il enfonça la porte sans aucun scrupule, il fit asseoir Blanche sur un petit banc qu’il sentit sous sa main. Puis, il alla arracher une grande quantité de thym ; le plateau est couvert de cette humble plante grise dont la senteur âpre monte de toutes les collines de la Provence. Il porta le thym dans le poste, où il l’étala en une sorte de paillasse, sur laquelle il étendit la couverture. Le lit était fait. Et les deux amants, sur cette couche misérable, se donnèrent le baiser du soir. Ah ! que ce baiser contenait de souffrance douce et de volupté amères s’embrassaient avec toutes les fougues de la passion et toutes les colères du désespoir.

L’amour de Philippe était devenu de la rage. Sans cesse obligé de fuir, menacé dans ses rêves de richesse, sous le coup d’un châtiment implacable, le jeune homme se révoltait et apaisait ses révoltes en pressant Blanche entre ses bras, à la briser. Cette enfant, qui s’abandonnait, était pour lui une vengeance ; il la possédait en maître irrité, il la pliait sous ses baisers, se hâtant de satisfaire son cœur tandis qu’il était libre encore. Son orgueil grandissait dans une jouissance infinie. Lui, le fils du peuple, il tenait enfin, sur sa poitrine, une fille de ces hommes puissants et fiers dont les équipages lui avaient parfois jeté de la boue à la face. Et il se rappelait les légendes du pays, les vexations des nobles, le martyre du peuple, toutes les lâchetés de ses pères devant les caprices cruels de la noblesse. Alors il étouffait Blanche d’une caresse plus rude. Il avait fini par goûter une joie amère à la faire courir dans les pierres des chemins. L’angoisse et la fatigue de sa maîtresse la lui rendaient plus chère et plus désirable. Il l’aurait moins aimée dans un salon, en pleine paix. Le soir, lorsque brisée de fatigue, elle tombait à son côté, il l’aimait furieusement.