Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/89

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas de moi. Qu’il m’oublie, cela vaut mieux : je serai seule à pleurer. »

Il y eut un douloureux silence.

« Et votre enfant ? demanda Fine.

– Mon enfant, dit Blanche avec égarement, je ne sais… Mon oncle me le prendra.

– Voulez-vous que je lui serve de mère ? »

La bouquetière prononça ces mots d’une voix tendre et grave. Mlle de Cazalis la serra entre ses bras dans une étreinte passionnée.

« Oh ! vous êtes bonne, vous savez aimer… Tâchez de me voir à Marseille. Quand l’heure sera venue, je me confierai à vous. »

En ce moment, la vieille parente rentrait, après avoir en vain cherché Blanche dans la foule. Fine se retira lestement et remonta le Cours. Comme elle arrivait à la place des Carmélites, elle aperçut de loin Marius qui causait avec l’avocat de Philippe.

Le jeune homme était désespéré. Jamais il n’aurait cru qu’on pût condamner son frère à une peine si sévère. Les cinq années de prison l’épouvantaient, mais il était peut-être encore plus douloureusement accablé par la pensée de l’exposition publique sur une place de Marseille. Il reconnaissait la main du député dans ce châtiment : M. de Cazalis avait surtout voulu flétrir Philippe, le rendre à jamais indigne de l’amour d’une femme.

Autour de Marius, la foule criait à l’injustice. Il n’y avait qu’une voix dans le public pour protester contre l’énormité de la peine.

Et, comme le jeune homme se récriait avec l’avocat, s’irritait et se désespérait, une main douce se posa sur son bras. Il se retourna vivement et aperçut Fine à son côté, calme et souriante.

« Espérez et suivez-moi, lui dit-elle à voix basse. Votre frère est sauvé. »