Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/91

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dans la salle noire, et Revertégat disait avec un gros rire que le printemps demeurait chez lui. Le brave homme s’oubliait dans les effluves caressants de ce printemps, son cœur s’amollissait, il se départait de la rudesse et de la sévérité de son métier.

Fine était une fille trop rusée pour ne pas jouer son rôle avec une prudence câline. Elle ne brusqua rien, elle amena peu à peu le geôlier à la pitié et à la douceur. Puis elle plaignit Philippe devant lui, elle le força à déclarer lui-même qu’on le retenait injustement en prison. Quand elle tint son oncle dans ses mains, tout assoupi et tout obéissant, elle lui demanda si elle ne pouvait pas visiter la cellule du pauvre jeune homme. Il n’osa dire non, il conduisit sa nièce, la fit entrer et resta à la porte pour faire le guet.

Fine demeura toute sotte devant Philippe. Elle le regardait, Confuse et rougissante, oubliant ce qu’elle voulait lui dire. Le jeune homme la reconnut et s’approcha vivement, d’un air tendre et charmé.

« Vous ici, ma chère enfant, s’écria-t-il. Ah ! que vous êtes gentille de venir me voir… Me permettez-vous de vous baiser la main ? »

Philippe se croyait sûrement dans son petit appartement de la rue Sainte, et il n’était peut-être pas loin de rêver une nouvelle aventure. La bouquetière, surprise, presque blessée, retira sa main et regarda gravement l’amant de Blanche.

« Vous êtes fou, monsieur Philippe, répondit-elle. Vous savez bien que maintenant vous êtes marié pour moi… Parlons de choses sérieuses. »

Elle baissa la voix et continua rapidement :

« Le geôlier est mon oncle, et, depuis huit jours, je travaille à votre délivrance. J’ai voulu vous voir pour vous dire que vos amis ne vous oublient pas… Espérez. »

Philippe, en entendant ces bonnes paroles, regretta son accueil amoureux.

« Donnez-moi votre main, dit-il d’une voix émue.