Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/92

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C’est un ami qui vous la demande pour vous la serrer en vieux camarade… Vous me pardonnez ? »

La bouquetière sourit, sans répondre.

« Je pense, reprit-elle, pouvoir vous ouvrir prochainement la porte toute grande… Quel jour voulez-vous vous sauver ?

– Me sauver !… Mais je serai acquitté. À quoi bon fuir ? Si je m’échappais, je déclarerais par là même que je suis coupable. »

Fine n’avait pas songé à ce raisonnement. Pour elle, Philippe était condamné à l’avance, mais, en somme, il avait raison, il fallait attendre le jugement. Comme elle gardait le silence, pensive et irrésolue, Revertégat frappa deux petits coups contre la porte pour la prier de quitter la cellule.

« Eh bien ! reprit-elle en s’adressant au prisonnier, tenez-vous toujours prêt. Si vous êtes condamné, nous préparerons votre fuite, votre frère et moi… Ayez confiance. »

Elle se retira, en laissant Philippe presque amoureux. Maintenant elle avait du temps devant elle pour gagner son oncle. Elle continua à suivre sa tactique, émerveillant le cher homme par sa bonté et sa grâce, l’apitoyant sur le sort du prisonnier. Même elle finit par mettre dans la conspiration ses deux petites cousines, qui, sur un de ses désirs, auraient quitté leur père pour la suivre. Un soir, après avoir attendri Revertégat par toutes les cajoleries qu’elle put trouver, elle en arriva enfin à lui demander carrément la liberté de Philippe.

« Pardieu ! s’écria le geôlier, si cela ne dépendait que de moi, je lui ouvrirais tout de suite la porte.

– Mais cela ne dépend que de vous, mon oncle, répondit naïvement Fine.

– Ah ! tu crois… Le lendemain, on me mettrait sur le pavé, et je crèverais de faim avec mes deux filles. »

Ces paroles rendirent la bouquetière toute sérieuse.