Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/93

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« Mais, reprit-elle au bout d’un instant, si je vous donnais de l’argent, moi, si j’aimais ce garçon, si je vous priais à mains jointes de me le rendre ?

– Toi, toi ! » dit le geôlier avec étonnement.

Il s’était levé, il regardait sa nièce pour voir si elle ne se moquait pas de lui. Quand il la vit grave et émue, il plia le dos, vaincu, adouci, consentant du geste.

« Ma foi, ajouta-t-il, je ferai ce que tu voudras… Tu es une trop bonne et trop belle fille. »

Fine l’embrassa et parla d’autre chose. Désormais elle était sûre de la victoire. À plusieurs reprises, de loin en loin, elle reprit la conversation, elle habitua Revertégat à l’idée de laisser échapper Philippe. Elle ne voulait pas jeter son parent dans la misère, et elle lui offrit la première une récompense de quinze mille francs. Cette offre éblouit le geôlier qui dès lors lui appartint, pieds et poings liés.

Et voilà comment Fine avait pu dire à Marius, avec son fin sourire : « Suivez-moi… Votre frère est sauvé. »

Elle mena le jeune homme à la prison. En chemin, elle lui conta toute sa campagne, elle lui dit comment elle avait peu à peu gagné son oncle. L’esprit droit de Marius se révolta d’abord au récit de cette comédie. Puis il songea aux intrigues employées par M. de Cazalis, il se dit qu’il usait après tout des mêmes armes que ses adversaires, et le calme se fit en lui.

Il remercia Fine d’une façon touchante, il ne sut comment lui témoigner sa reconnaissance. La jeune fille, heureuse de sa joie émue, écoutait à peine ses protestations de dévouement.

Ils ne purent voir Revertégat que le soir. Le geôlier, dès les premiers mots de la conversation, montra à Marius ses deux petites filles qui jouaient dans un coin de la loge.

« Monsieur, dit-il simplement, voici mon excuse… Je ne demanderais pas un sou, si je n’avais ces enfants à nourrir. »