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Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/241

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Quand il fut seul, Pierre, malgré la courbature dont ses membres étaient brisés, sauta du lit, se hâta. Il avait encore la face au fond de la cuvette, se trempant d’eau froide, lorsque M. de Guersaint, qui ne pouvait rester seul, reparut.

— C’est fait, on va nous monter ça… Ah ! cet hôtel ! Avez-vous vu le propriétaire, le sieur Majesté, tout de blanc vêtu, et si digne, dans son bureau ? Il paraît qu’ils sont débordés, jamais ils n’ont eu tant de monde… Aussi quel bruit infernal ! Trois fois, ils m’ont réveillé, cette nuit. Je ne sais pas ce qu’on peut bien faire dans la chambre voisine de la mienne : tout à l’heure encore, il y a eu un coup dans le mur, et puis des chuchotements, et puis des soupirs…

Il s’interrompit, pour demander :

— Vous avez bien dormi, vous ?

— Mais non, répondit Pierre. J’étais écrasé de lassitude, et il m’a été impossible de fermer les yeux. Sans doute, c’est tout ce vacarme dont vous parlez.

À son tour, il dit les cloisons minces, la maison bondée et craquante de ce monde qu’on y empilait. C’étaient des heurts inexplicables, des courses brusques dans les couloirs, des pas pesants, de grosses voix qui montaient on ne savait d’où ; sans compter les gémissements des malades, les toux, les horribles toux qui, de toutes parts, semblaient sortir des murailles. Évidemment, d’un bout de la nuit à l’autre, des gens rentraient et ressortaient, se levaient et se recouchaient ; car il n’y avait plus d’heures, on vivait dans le dérèglement des secousses passionnées, allant à la dévotion comme on serait allé au plaisir.

— Et Marie, comment l’avez-vous laissée, hier soir ? demanda de nouveau M. de Guersaint.

— Beaucoup mieux, dit le prêtre. Après une terrible crise de désespoir, elle a retrouvé tout son courage et toute sa foi.