Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/391

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pauvresses guérissaient, lorsque les dames s’en retournaient avec leurs maladies, sans soulagement, en dépit de leurs cadeaux et des gros cierges qu’elles faisaient brûler. Et, malgré lui, il regarda madame Chaise, qui, remise, se reposait d’un air béat.

Mais un souffle courut dans la foule, et l’abbé Judaine dit encore :

— Voici le père Massias qui monte en chaire. C’est un saint, écoutez-le.

On le connaissait, il ne pouvait paraître, sans que toutes les âmes fussent agitées d’une soudaine espérance, car on racontait que sa grande ferveur aidait aux miracles. Il passait pour avoir une voix de tendresse et de force, aimée de la Vierge.

Toutes les têtes s’étaient levées, l’émotion grandit encore, lorsqu’on aperçut le père Fourcade, venu jusqu’au pied de la chaire, en s’appuyant sur l’épaule de son frère bien-aimé, préféré entre tous ; et il restait là, afin de l’entendre lui aussi. Son pied goutteux le faisait souffrir davantage depuis le matin, il lui fallait un grand courage pour demeurer ainsi debout, souriant. L’exaltation croissante de la foule le rendait heureux, il prévoyait des prodiges, des guérisons éclatantes, à la gloire de Marie et de Jésus.

Dans la chaire, le père Massias ne parla pas tout de suite. Il semblait très grand, maigre et pâle, avec une face d’ascète, que sa barbe décolorée allongeait encore. Ses yeux étincelaient, sa grande bouche éloquente se gonflait passionnément.

— Seigneur, sauvez-nous, nous périssons !

Et la foule, emportée, répéta, dans une fièvre qui augmentait de minute en minute :

— Seigneur, sauvez-nous, nous périssons !

Il ouvrait les bras, il lançait son cri de flamme, comme s’il l’eût arraché de son cœur embrasé.