Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/301

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abreuvé d’outrages, être obligé de me défendre contre des accusations abominables ! Un prévaricateur, moi ! un ministre qui se serait vendu, qui aurait reçu deux cent mille francs de ce Hunter, pour les mettre simplement dans sa poche !… Eh ! oui, il a été question de deux cent mille francs entre lui et moi. Mais il faut dire comment et dans quelles conditions. C’est comme vous sans doute, pour les quatre-vingt mille francs qu’il vous aurait remis…

Monferrand l’interrompit, d’un voix nette.

— Il ne m’a pas remis un centime.

Très surpris, l’autre le regarda, mais ne vit que sa grosse tête rude, noyée d’ombre.

— Ah !… Je croyais que vous étiez en relation d’affaires avec lui, et que vous le connaissiez particulièrement.

— Non, j’ai connu Hunter comme tout le monde, je ne savais même pas qu’il était le racoleur du baron Duvillard, pour les Chemins de fer africains, et jamais il n’a été question de cette chose entre nous.

Cela était si invraisemblable, si contraire à tout ce qu’il savait, que Barroux, devant un si évident mensonge, resta un instant effaré. Puis, il se ressaisit d’un geste, laissant les autres à leur cas, pour revenir au sien.

— Oh ! moi, il m’a fait plus de dix visites, il m’en a rebattu les oreilles, des Chemins de fer africains. C’était lorsque la Chambre a dû voter l’émission des valeurs à lots… Et, tenez ! mon cher, je nous vois encore, dans cette pièce, car vous vous souvenez que j’avais alors l’Intérieur, tandis que vous veniez d’entrer aux Travaux publics. Moi, j’étais assis à ce bureau, tandis que Hunter se trouvait ici même, dans ce fauteuil où je suis. Ce jour-là, il avait désiré me consulter sur l’emploi des sommes considérables que la banque Duvillard voulait consacrer à la publicité ; et, devant les gros chiffres mis en regard des journaux monarchistes, je me rappelle que je me fâchais,