Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

su qu’on poursuivait mon livre… Monsieur le vicomte Philibert de la Choue, qui veut bien me témoigner quelque amitié, ne cesse de répéter qu’un livre pareil vaut au Saint-Siège la meilleure des armées.

— Oh ! de la Choue, de la Choue, répéta le cardinal avec une moue de bienveillant dédain, je n’ignore pas que de la Choue croit être un bon catholique… Il est un peu notre parent, vous le savez. Et, quand il descend au palais, je le vois volontiers, à la condition de ne pas causer de certains sujets, sur lesquels nous ne pourrons jamais nous entendre… Mais enfin le catholicisme de ce distingué et bon de la Chou, avec ses corporations, ses cercles d’ouvriers, sa démocratie débarbouillée et son vague socialisme, ce n’est en somme que de la littérature.

Le mot frappa Pierre, car il en sentit toute l’ironie méprisante, dont lui-même se trouvait atteint. Aussi s’empressa-t-il de nommer son autre répondant, qu’il pensait d’une autorité indiscutable.

— Son Éminence le cardinal Bergerot a bien voulu donner à mon œuvre une entière approbation.

Du coup, le visage de Boccanera changea brusquement. Ce ne fut plus le blâme railleur, la pitié que soulève l’acte inconsidéré d’un enfant, destiné à un avortement certain. Une flamme de colère alluma les yeux sombres, une volonté de combat durcit la face entière.

— Sans doute, reprit-il lentement, le cardinal Bergerot a une réputation de grande piété, en France. Nous le connaissons peu, à Rome. Personnellement, je l’ai vu une seule fois, quand il est venu pour le chapeau. Et je ne me permettrais pas de le juger, si, dernièrement, ses écrits et ses actes n’avaient contristé mon âme de croyant. Je ne suis malheureusement pas le seul, vous ne trouverez ici, dans le Sacré Collège, personne qui l’approuve.

Il s’arrêta, puis se prononça, d’une voix nette.