Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/118

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Comment ! vous ici, monsieur l’abbé ! vous êtes à Rome !

Le prêtre avait eu une seconde d’hésitation.

— Ah ! monsieur Narcisse Habert, je vous demande pardon, je ne vous reconnaissais pas ! Et je suis vraiment impardonnable, car je savais que vous étiez, depuis l’année dernière, attaché à l’ambassade.

Mince, élancé, très élégant, Narcisse, avec son teint pur, ses yeux d’un bleu pâle, presque mauve, sa barbe blonde, finement frisée, portait ses cheveux blonds bouclés, coupés sur le front à la florentine. D’une famille de magistrats, très riches et d’un catholicisme militant, il avait un oncle dans la diplomatie, ce qui avait décidé de sa destinée. Sa place, d’ailleurs, se trouvait toute marquée à Rome, où il comptait de puissantes parentés : neveu par alliance du cardinal Sarno, dont une sœur avait épousé à Paris un notaire, son oncle ; cousin germain de monsignor Gamba del Zoppo, camérier secret participant, fils d’une de ses tantes, mariée en Italie à un colonel. Et c’était ainsi qu’on l’avait attaché à l’ambassade près du Saint-Siège, où l’on tolérait ses allures un peu fantasques, sa continuelle passion d’art, qui le promenait en flâneries sans fin au travers de Rome. Il était du reste fort aimable, d’une distinction parfaite ; avec cela, très pratique au fond, connaissant à merveille les questions d’argent ; et il lui arrivait même parfois, comme ce matin-là, de venir, de son air las et un peu mystérieux, causer chez un cardinal d’une affaire sérieuse, au nom de son ambassadeur.

Tout de suite, il emmena Pierre dans la vaste embrasure d’une des fenêtres, pour l’y entretenir à l’aise.

— Ah ! mon cher abbé, que je suis donc content de vous voir ! Vous vous souvenez de nos bonnes causeries, quand nous nous sommes connus chez le cardinal Bergerot ? Je vous ai indiqué, pour votre livre, des tableaux à voir, des miniatures du quatorzième siècle et du quinzième. Et vous savez que, dès aujourd’hui, je m’empare de vous, je