Aller au contenu

Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/254

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

n’avaient pas changé ; et l’on retrouvait là le monde d’il y a trois cents ans, avec son étiquette, ses vêtements, ses idées. Si, depuis vingt-cinq années, les papes, par une protestation hautaine, s’enfermaient volontairement dans leur palais, le séculaire emprisonnement dans le passé, dans la tradition, datait de bien plus loin et présentait un danger autrement grave. Tout le catholicisme avait fini par y être enfermé comme eux, s’obstinant à ses dogmes, ne vivant plus, immobile et debout, que grâce à la force de sa vaste organisation hiérarchique. Alors, était-ce donc que, malgré son apparente souplesse, le catholicisme ne pouvait céder sur rien, sous peine d’être emporté ? Puis, quel monde terrible, tant d’orgueil, tant d’ambition, tant de haines et de luttes ! Et quelle prison étrange, quels rapprochements sous les verrous, le Christ en compagnie de Jupiter Capitolin, toute l’antiquité païenne fraternisant avec les Apôtres, toutes les splendeurs de la Renaissance entourant le pasteur de l’Évangile, qui règne au nom des pauvres et des simples ! Sur la place Saint-Pierre, le soleil déclinait, la douce volupté romaine tombait du ciel limpide, et le jeune prêtre restait éperdu, après ce beau jour, passé avec Michel-Ange, Raphaël, les Antiques et le Pape, dans le plus grand palais du monde.

— Enfin, mon cher abbé, excusez-moi, conclut Narcisse. Je vous l’avoue maintenant, je soupçonne mon brave cousin de ne pas vouloir se compromettre dans votre affaire… Je le verrai encore, mais vous ferez bien de ne pas trop compter sur lui.

Ce jour-là, il était près de six heures, lorsque Pierre revint au palais Boccanera. D’habitude, modestement, il passait par la ruelle et prenait la porte du petit escalier, dont il possédait une clé. Mais il avait reçu, le matin, une lettre du vicomte Philibert de la Choue, qu’il voulait communiquer à Benedetta ; et il monta le grand escalier, il s’étonna de ne trouver personne dans l’antichambre. Les jours ordinaires, lorsque Giacomo devait sortir, Victorine