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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/275

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Pierre, quand ce fut fini, sortit comme d’un rêve pénible, le cœur soulevé, la raison révoltée. Et il retrouva le regard de monsignor Nani qui ne le quittait point.

— Une cérémonie superbe, n’est-ce pas ? dit le prélat. Cela console de bien des iniquités.

— Oui, sans doute, mais quelle idolâtrie ! ne put s’empêcher de murmurer le prêtre.

Monsignor Nani se contenta de sourire, sans relever le mot, comme s’il ne l’eût pas entendu. À ce moment, les deux dames françaises, auxquelles il avait donné des cartes, s’approchèrent pour le remercier ; et Pierre eut la surprise de reconnaître en elles les deux visiteuses des catacombes, la mère et la fille, si belles, si gaies et si saines. D’ailleurs, celles-ci n’étaient enthousiastes que du spectacle. Elles déclarèrent qu’elles étaient bien contentes d’avoir vu ça, que c’était une chose étonnante, unique au monde.

Brusquement, dans la foule qui se retirait sans hâte, Pierre se sentit toucher à l’épaule, et il aperçut Narcisse Habert, très enthousiaste lui aussi.

— Je vous ai fait des signes, mon cher abbé, mais vous ne m’avez pas vu… Hein ? cette femme brune qui est tombée raide, les bras en croix, était-elle admirable d’expression ! Un chef-d’œuvre des primitifs, un Cimabué, un Giotto, un Fra Angelico ! Et les autres, celles qui mangeaient de baisers les bras du fauteuil, quel groupe de suavité, de beauté et d’amour !… Jamais je ne manque ces cérémonies, il y a toujours à y voir des tableaux, des spectacles d’âmes.

Avec lenteur, l’énorme flot des pèlerins s’écoulait, descendait l’escalier, dans la brûlante fièvre dont le frisson persistait ; et Pierre, suivi de monsignor Nani et de Narcisse, qui s’étaient mis à causer ensemble, réfléchissait, sous le tumulte d’idées battant son crâne. Ah ! certes, c’était grand et beau, ce pape qui s’était muré au fond de son Vatican, qui avait monté dans l’adoration et