Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/276

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dans la terreur sacrée des hommes, à mesure qu’il disparaissait davantage, qu’il devenait un pur esprit, une pure autorité morale, dégagée de tout souci temporel. Il y avait là une spiritualité, un envolement en plein idéal, dont il était remué profondément, car son rêve d’un christianisme rajeuni reposait sur ce pouvoir épuré, uniquement spirituel du Chef suprême ; et il venait de constater ce qu’y gagnait, en majesté et en puissance, ce Souverain Pontife de l’au-delà, aux pieds duquel s’évanouissaient les femmes, qui, derrière lui, voyaient Dieu. Mais, à la même minute, il avait senti tout d’un coup se dresser la question d’argent, gâtant sa joie, remettant à l’étude le problème. Si l’abandon forcé du pouvoir temporel avait grandi le pape, en le libérant des misères d’un petit roi menacé sans cesse, le besoin d’argent restait encore comme un boulet à son pied, qui le clouait à la terre. Puisqu’il ne pouvait accepter la subvention du royaume d’Italie, l’idée vraiment touchante du denier de Saint-Pierre aurait dû sauver le Saint-Siège de tout souci matériel, à la condition que ce denier fût en réalité le sou du catholique, l’obole de chaque fidèle, prise sur le pain quotidien, envoyée directement à Rome, tombant de l’humble main qui la donne dans l’auguste main qui la reçoit ; sans compter qu’un tel impôt volontaire, payé par le troupeau à son pasteur, suffirait à l’entretien de l’Église, si chaque tête des deux cent cinquante millions de chrétiens donnait simplement son sou par semaine. De la sorte, le pape devant à tous, à chacun de ses enfants, ne devrait rien à personne. C’était si peu, un sou, et si aisé, si attendrissant ! Malheureusement, les choses ne se passaient point ainsi, le plus grand nombre des catholiques ne donnaient pas, des riches envoyaient de grosses sommes par passion politique, et surtout les dons se centralisaient entre les mains des évêques et de certaines congrégations, de manière que les véritables donateurs semblaient être ces évêques, ces puissantes congrégations,