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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/309

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qui s’entêtait à ne point reparaître. Devant le canapé, où Benedetta et Celia se trouvaient assises, Dario, l’abbé Pierre et Narcisse Habert étaient debout, causant et riant. Depuis quelques minutes, Narcisse s’amusait à plaisanter le jeune prince, qu’il prétendait avoir rencontré en compagnie d’une très belle fille.

— Mais, mon cher, ne vous défendez pas, car elle est vraiment superbe… Elle marchait à côté de vous, et vous vous êtes engagés dans une ruelle déserte, le Borgo Angelico je crois, où je ne vous ai pas suivis, par discrétion.

Dario souriait, l’air très à l’aise, en homme heureux, incapable de renier son goût passionné de la beauté.

— Sans doute, sans doute, c’était bien moi, je ne nie pas… Seulement, l’affaire n’est pas celle que vous pensez.

Et, se retournant vers Benedetta, qui s’égayait, elle aussi, sans aucune ombre d’inquiétude jalouse, comme ravie au contraire du plaisir des yeux qu’il avait pu prendre un instant :

— Tu sais, il s’agit de cette pauvre fille, que j’ai trouvée en larmes, il y a près de six semaines… Oui, cette ouvrière en perles qui sanglotait à cause du chômage, et qui s’est mise, toute rouge, à galoper devant moi pour me conduire chez ses parents, lorsque j’ai voulu lui donner une pièce blanche… Pierina, tu te rappelles bien ?

— Pierina, parfaitement !

— Alors, imaginez-vous, je l’ai déjà, depuis ce jour, rencontrée quatre ou cinq fois sur mon chemin. Et, c’est vrai, elle est si extraordinairement belle, que je m’arrête et que je cause… L’autre jour, je l’ai conduite ainsi jusque chez un fabricant. Mais elle n’a pas encore trouvé d’ouvrage, elle s’est remise à pleurer ; et, ma foi, pour la consoler un peu, je l’ai embrassée… Ah ! elle en est restée saisie, et heureuse, si heureuse !

Tous, maintenant, riaient de l’histoire. Mais Celia, la première, se calma. Elle dit d’une voix très grave :