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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/311

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un instant. Il fut très attendri que cette pensée de charité lui revint ; car il sentit, au léger tremblement de sa voix, qu’elle voulait se montrer ainsi une élève docile, faisant des progrès dans l’amour des humbles et des misérables. Tout de suite, d’ailleurs, la passion de son apostolat l’avait repris.

— Oh ! dit-il, je ne quitterai Rome qu’après y avoir vu le peuple qui souffre, sans travail et sans pain. La maladie est là, pour toutes les nations, et le salut ne peut venir que par la guérison de la misère. Quand les racines de l’arbre ne mangent pas, l’arbre meurt.

— Eh bien ! reprit-elle, nous allons prendre rendez-vous tout de suite, vous viendrez avec nous aux Prés du Château… Dario nous conduira.

Celui-ci, qui avait écouté le prêtre d’un air stupéfait, sans bien comprendre l’image de l’arbre et de ses racines, se récria, plein de détresse.

— Non, non ! cousine, promène là-bas monsieur l’abbé, si cela t’amuse… Moi, j’y suis allé, et je n’y retourne pas. Ma parole ! en rentrant, j’ai failli me mettre au lit, la cervelle et l’estomac à l’envers… Non, non ! c’est trop triste, ce n’est pas possible, des abominations pareilles !

À ce moment, une voix mécontente s’éleva du coin de la cheminée. Donna Serafina sortait de son long silence.

— Il a raison Dario ! Envoie ton aumône, ma chère, et j’y joindrai volontiers la mienne… Seulement, il y a d’autres endroits plus utiles à voir, où tu peux conduire monsieur l’abbé… Tu vas, en vérité, lui faire emporter là un beau souvenir de notre ville !

L’orgueil romain sonnait seul au fond de sa mauvaise humeur. À quoi bon montrer ses plaies aux étrangers qui viennent, amenés peut-être par des curiosités hostiles ? Il fallait être toujours en beauté, ne montrer Rome que dans l’apparat de sa gloire.

Mais Narcisse s’était emparé de Pierre.

— Oh ! mon cher, c’est vrai, j’oubliais de vous recommander