Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/312

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cette promenade… Il faut absolument que vous visitiez le nouveau quartier qu’on a bâti aux Prés du Château. Il est typique, il résume tous les autres ; et vous n’aurez pas perdu votre temps, je vous* en réponds, car rien au monde ne vous en dira plus long sur la Rome actuelle. C’est extraordinaire, extraordinaire !

Puis, s’adressant à Benedetta :

— Est-ce entendu ? voulez-vous demain matin ?… Vous nous trouveriez là-bas, l’abbé et moi, parce que je tiens à le mettre d’abord au courant, pour qu’il comprenne… À dix heures, voulez-vous ?

Avant de répondre, la contessina, qui s’était tournée vers sa tante, lui tint tête, respectueusement.

— Allez, ma tante, monsieur l’abbé a dû rencontrer assez de mendiants dans nos rues, il peut tout voir. Et, d’ailleurs, d’après ce qu’il raconte dans son livre, il n’en verra pas plus à Rome qu’il n’en a vu à Paris. Partout, comme il le dit quelque part, la faim est la même.

Puis, elle s’attaqua à Dario, très douce, l’air raisonnable.

— Tu sais, mon Dario, que tu me ferais un bien gros plaisir, en me conduisant là-bas. Sans toi, nous aurions trop l’air de tomber du ciel… Nous prendrons la voiture, nous irons rejoindre ces messieurs, et ça nous fera une très jolie promenade… Il y a si longtemps que nous ne sommes sortis ensemble !

Certainement, c’était là ce qui la ravissait, d’avoir ce prétexte pour l’emmener, pour se réconcilier tout à fait avec lui. Il sentit cela, il ne put se dérober, et il affecta de plaisanter.

— Ah ! cousine, tu seras cause que j’aurai des cauchemars tout le restant de la semaine. Une partie de plaisir comme ça, vois-tu, c'est à gâter pour huit jours le bonheur de vivre !

Il frémissait de révolte à l’avance, les rires recommencèrent ; et, malgré la muette désapprobation de donna


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  • texte original: vou (coquille)