Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/318

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d'industrie, comme Paris ou Londres, pourraient seules peupler. Ce sont là les monstrueux produits de l’orgueil et du jeu, et quelle page d’histoire, quelle leçon amère, lorsque Rome, aujourd’hui ruinée, se voit déshonorée en outre, par cette laide ceinture de grandes carcasses crayeuses et vides, inachevées pour la plupart, dont les décombres déjà sèment les rues pleines d’herbe !

L’effondrement fatal, le désastre fut effroyable. Narcisse en donnait les raisons, en suivait les diverses phases, si nettement, que Pierre comprit. De nombreuses Sociétés financières avaient naturellement poussé dans ce terreau de la spéculation, l’Immobilière, la Società edilizia, la Fondiaria, la Tiberina, l’Esquilino. Presque toutes faisaient construire, bâtissaient des maisons énormes, des rues entières, pour les revendre. Mais elles jouaient également sur les terrains, les cédaient à de gros bénéfices aux petits spéculateurs qui s’improvisaient de toutes parts, rêvant des bénéfices à leur tour, dans la hausse continue et factice que déterminait la fièvre croissante de l’agio. Le pis était que ces bourgeois, ces boutiquiers sans expérience, sans argent, s’affolaient jusqu’à faire construire eux aussi, en empruntant aux banques, en se retournant vers les Sociétés qui leur avaient vendu les terrains, pour obtenir d’elles l’argent nécessaire à l’achèvement des constructions. Le plus souvent, pour ne pas tout perdre, les Sociétés se trouvaient un jour forcées de reprendre les terrains et les constructions, même inachevées, ce qui amenait entre leurs mains un engorgement formidable, dont elles devaient périr. Si le million d’habitants était venu occuper les logements qu’on lui préparait, dans un rêve d’espoir si extraordinaire, les gains auraient pu être incalculables, Rome en dix ans s’enrichissait, devenait une des plus florissantes capitales du monde. Seulement, ces habitants s’entêtaient à ne pas venir, rien ne se louait, les logements restaient vides. Et, alors, la crise éclata en coup de foudre, avec une violence