Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/334

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des murs, restés à l’état brut, dans l’attente des peintures et des dorures qui devaient les décorer.

Au premier étage, sur le vaste palier, la Pierina s’arrêta ; et elle se contenta de crier, par la baie d’une grande porte béante, sans huisserie ni vantaux :

— Père, c’est une dame et deux messieurs qui vont te voir.

Puis, se tournant vers la contessina :

— Tout au fond, dans la troisième salle.

Et elle se sauva, elle redescendit l’escalier plus vite qu’elle ne l’avait monté, courant à sa passion.

Benedetta et ses compagnons traversèrent deux salons immenses, au sol bossué de plâtre, aux fenêtres ouvertes sur le vide. Et ils tombèrent enfin dans un salon plus petit, où toute la famille Gozzo s’était installée, avec les débris qui lui servaient de meubles. Par terre, sur les solives de fer laissées à nu, traînaient cinq ou six paillasses lépreuses, mangées de sueur. Une longue table, solide encore, tenait le milieu ; et il y avait aussi de vieilles chaises dépaillées, raccommodées à l’aide de cordes. Mais le gros travail avait consisté à boucher deux fenêtres sur trois avec des planches, tandis que la troisième et la porte étaient fermées par d’anciennes toiles à matelas, criblées de taches et de trous.

Tommaso, le maçon, parut surpris, et il fut évident qu’il n’était guère habitué à de pareilles visites de charité. Il était assis devant la table, les deux coudes sur le bois, le menton entre les mains, en train de se reposer, comme l’avait dit sa femme Giacinta. C’était un fort gaillard de quarante-cinq ans, barbu et chevelu, la face grande et longue, d’une sérénité de sénateur romain, dans sa misère et dans son oisiveté. La vue des deux étrangers, qu’il flaira tout de suite, l’avait fait se lever, d’un brusque mouvement de défiance. Mais il sourit, dès qu’il reconnut Benedetta ; et, comme elle lui parlait de Dario resté en bas, en lui expliquant leur but charitable :