Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/360

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— Mais c’est certain, ma chère ! D’abord, on a douté, on a nommé le petit Pontecorvo et Moretti, le lieutenant. Et les histoires marchaient, tu penses… Aujourd’hui, tout le monde sait que le coup de cœur de la Tonietta est Dario en personne. D’ailleurs, il est allé la voir dans sa loge, au Costanzi.

Et Pierre, en les entendant causer, se souvint de cette Tonietta, que le jeune prince lui avait montrée, au Pincio, une des rares demi-mondaines dont la belle société de Rome se préoccupait. Et il se rappela aussi la galante particularité qui rendait celle-ci célèbre, le caprice désintéressé qui la prenait parfois pour un amant de passage, dont elle s’obstinait dès lors à n’accepter chaque matin qu’un bouquet de roses blanches ; de sorte que, lorsqu’elle apparaissait, au Corso, pendant des semaines souvent, avec ces roses pures, c’était parmi les dames de la bonne compagnie tout un émoi, toute une ardente curiosité, en quête du nom de l’homme élu et adoré. Depuis la mort du vieux marquis Manfredi, qui lui avait laissé son petit palais de la rue des Mille, la Tonietta était réputée pour la correction de sa voiture, l’élégante simplicité de sa toilette, que déparaient seuls ses chapeaux un peu extravagants. Il y avait près d’un mois que le riche Anglais, qui l’entretenait, était en voyage.

— Elle est très bien, elle est très bien, répéta Celia avec conviction, de son air candide de vierge qui ne s’intéressait qu’aux choses de l’amour. Et jolie, avec ses grands yeux doux, oh ! pas belle comme la Pierina, non ! cela est impossible ; mais jolie à voir, une vraie caresse pour le regard !

D’un geste involontaire, Benedetta sembla écarter la Pierina de nouveau ; et, quant à la Tonietta, elle l’acceptait, elle savait bien qu’elle était une simple distraction, la caresse d’un moment, ainsi que le disait son amie.

— Ah ! reprit-elle en souriant, mon pauvre Dario qui