Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/44

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réelle, baignée d’un si beau soleil, qui s’étendait à ses pieds. Serait-elle douce à son rêve ? Allait-il, comme il l’avait dit, trouver chez elle le remède à nos impatiences et à nos inquiétudes ? Le catholicisme pouvait-il se renouveler, revenir à l’esprit du christianisme primitif, être la religion de la démocratie, la foi que le monde moderne bouleversé, en danger de mort, attend pour s’apaiser et vivre ? Et il était plein de passion généreuse, plein de foi. Il revoyait le bon abbé Rose, pleurant émotion en lisant son livre ; il entendait le vicomte Philibert de la Choue lui dire qu’un livre pareil valait une armée, il se sentait surtout fort de l’approbation du cardinal Bergerot, cet apôtre de la charité inépuisable. Pourquoi donc la congrégation de l’Index menaçait-elle son œuvre d’interdit ? Depuis quinze jours, depuis qu’on l’avait officieusement prévenu de venir à Rome, s’il voulait se défendre, il retournait cette question, sans pouvoir découvrir quelles pages étaient visées. Toutes lui paraissaient brûler du plus pur christianisme. Mais il arrivait frémissant d’enthousiasme et de courage, il avait hâte d’être aux genoux du pape, de se mettre sous son auguste protection, en lui disant qu’il n’avait pas écrit une ligne sans s’inspirer de son esprit, sans vouloir le triomphe de sa politique. Était-ce possible que l’on condamnât un livre où, très sincèrement, il croyait avoir exalté Léon XIII, en l’aidant dans son œuvre d’unité chrétienne et d’universelle paix ?

Un instant encore, Pierre resta debout contre le parapet. Depuis près d’une heure, il était là, ne parvenant pas à rassasier sa vue de la grandeur de Rome, qu’il aurait voulu posséder tout de suite, dans l’inconnu qu’elle lui cachait. Oh ! la saisir, la savoir, connaître à l’instant le mot vrai qu’il venait lui demander ! C’était une expérience encore, après Lourdes, et plus grave, décisive, dont il sentait bien qu’il sortirait raffermi ou foudroyé à jamais. Il ne demandait plus la foi naïve et