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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/45

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totale du petit enfant, mais la foi supérieure de l’intellectuel, s’élevant au-dessus des rites et des symboles, travaillant au plus grand bonheur possible de l’humanité, basé sur son besoin de certitude. Son cœur battait à ses tempes : quelle serait la réponse de Rome ? Le soleil avait grandi, les quartiers hauts se détachaient avec plus de vigueur sur les fonds incendiés. Au loin, les collines se doraient, devenaient de pourpre, tandis que les façades prochaines se précisaient, très claires, avec leurs milliers de fenêtres, nettement découpées. Mais des vapeurs matinales flottaient encore, des voiles légers semblaient monter des rues basses, noyant les sommets, où elles s’évaporaient, dans le ciel ardent, d’un bleu sans fin. Il crut un instant que le Palatin s’était effacé, il en voyait à peine la sombre frange de cyprès, comme si la poussière même de ses ruines la cachait. Et le Quirinal surtout avait disparu, le palais du roi semblait s’être reculé dans une brume, si peu important avec sa façade basse et plate, si vague au loin, qu’il ne le distinguait plus ; tandis que, sur la gauche, au-dessus des arbres, le dôme de Saint-Pierre avait grandi encore, dans l’or limpide et net du soleil, tenant tout le ciel, dominant la ville entière.

Ah ! la Rome de cette première rencontre, la Rome matinale où, brûlant de la fièvre de l’arrivée, il n’avait pas même aperçu les quartiers neufs, de quel espoir illimité elle le soulevait, cette Rome qu’il croyait trouver là vivante, telle qu’il l’avait rêvée ! Et, par ce beau jour, pendant que, debout, dans sa mince soutane noire, il la contemplait ainsi, quel cri de prochaine rédemption lui paraissait monter des toits, quelle promesse de paix universelle sortait de cette terre sacrée, deux fois reine du monde ! C’était la troisième Rome, La Rome Nouvelle, dont la paternelle tendresse, par-dessus les frontières, allait à tous les peuples, pour les réunir, consolés, en une commune étreinte. Il la voyait, il l’entendait, si rajeunie, si douce d’enfance, sous le grand ciel pur,