Aller au contenu

Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/456

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

amis, les libérateurs de tous les petits qui souffraient. Aussi, d’abord, de tels révolutionnaires inquiétèrent-ils Rome, les papes hésitèrent avant d’autoriser l’ordre ; et, quand ils cédèrent enfin, ce fut sûrement dans l’idée d’utiliser à leur profit cette force nouvelle, la conquête du peuple infime, de la masse immense et vague, dont la sourde menace a toujours grondé à travers les âges, même aux époques les plus despotiques. Dès lors, la papauté avait eu, dans les fils de Saint-François, une armée de continuelle victoire, l’armée errante qui se répandait partout, par les routes, par les villages, par les villes, qui pénétrait jusqu’au foyer de l’ouvrier et du paysan, gagnant les cœurs simples. S’imaginait-on la puissance démocratique d’un tel ordre, sorti des entrailles du peuple ! De là, la prospérité si rapide, le nombre des frères pullulant en quelques années, des couvents se fondant de toutes parts, le tiers ordre envahissant la population laïque au point de l’imprégner et de l’absorber. Et ce qui prouvait qu’il y avait là une production du sol, une végétation vigoureuse de la souche plébéienne, c’était que tout un art national allait en naître, les précurseurs de la Renaissance en peinture, et Dante lui-même, l’âme du génie de l’Italie.

Maintenant, depuis quelques jours, Pierre les voyait, ces grands ordres d’autrefois, et se heurtait contre eux, dans la Rome actuelle. Les franciscains et les dominicains, qui avaient si longtemps combattu de compagnie pour l’Église, rivaux animés de la même foi, étaient toujours là, face à face, dans leurs vastes couvents, d’apparence prospère. Mais il semblait que l’humilité des franciscains les eût à la longue mis à l’écart. Peut-être aussi était-ce que leur rôle d’amis et de libérateurs du peuple a cessé, depuis que le peuple se libère lui-même, dans ses conquêtes politiques et sociales. Et la seule bataille restait sûrement entre les Dominicains et les Jésuites, les prêcheurs et les éducateurs, qui, les uns